Communiqué de presse
Recours constitutionnel contre une loi anti-squat1 scélérate
Le 5 octobre 2017, le Parlement fédéral votait une loi soutenue par tous les partis de la majorité, inscrivant au Code pénal l’occupation d’immeubles sans titre ni droit. Auparavant, les squatteurs pouvaient déjà être expulsés au terme d’une procédure civile. Jugeant cette nouvelle mesure disproportionnée et contraire au droit au logement, un collectif d’organisations et de squatteur.e.s dépose un recours en annulation à la Cour constitutionnelle.
Nous sommes dans un contexte où il est de plus en plus difficile d’accéder au logement par les voies classiques : les prix de l’immobilier et des loyers augmentent plus vite que le coût de la vie, une augmentation qui va de pair avec une précarité grandissante partout en Europe. Dans cette situation, il est disproportionné et indécent de proposer ce nouvel arsenal répressif et de mettre davantage en danger des personnes qui, pour beaucoup, sont déjà dans des situations fragiles.
Avant le vote de la loi, des organisations et collectifs en faveur du droit au logement pour toutes et tous se sont mobilisés pour faire entendre raison aux parlementaires et sensibiliser l’opinion publique, sans pouvoir empêcher l’adoption du dispositif. Lors des auditions à la Commission Justice de la Chambre des Représentants, la majorité des acteurs s’est positionnée contre cette proposition de loi. Par ailleurs, le Syndicat national des Propriétaires et Copropriétaires, l’Union Royale des Juges de paix et le Collège des Procureurs généraux ont exprimé de sérieux doutes sur sa pertinence et son utilité.
Une loi inutile et scélérate
Des procédures civiles relativement efficaces existaient déjà pour faire valoir le droit de propriété et éventuellement aboutir à des expulsions en cas de litige sur l’occupation.
Du point de vue juridique, cette loi pose gravement question. En plus des poursuites pénales allant jusqu’à une amende de 1.800€ et un an d’emprisonnement2, c’est la première fois qu’une expulsion peut être ordonnée par le procureur sans aucun jugement préalable. La réduction des délais empêche concrètement toute tentative de conciliation. Ce changement constitue une criminalisation de solutions d’habitat populaire et donc une atteinte à des droits fondamentaux tels que se loger et bénéficier d‘un procès équitable.
Deux poids, deux mesures
Il est aussi choquant qu’un tel arsenal répressif soit utilisé pour s’attaquer aux squats, compte tenu du nombre d’immeubles impunément vacants et du nombre de personnes ayant des difficultés à se loger dans le circuit classique.
Rappelons que laisser un logement inoccupé constitue une infraction et que l’ensemble des dispositifs pour lutter contre l’inoccupation sont largement sous-utilisés, laissant libre cours à la spéculation immobilière à grande échelle.
Le squat est une pratique qui répond à un besoin fondamental faute d’autre solution, pour des raisons financières, sociales et dans un contexte où il est difficile de trouver un logement décent à un prix raisonnable. Alors qu’il y a plusieurs millions de mètres carrés d’immeubles vides en Belgique, nous ne comprenons pas cet acharnement à dissuader les personnes qui tentent d’exercer leur droit au logement en habitant des biens laissés à l’abandon.
À travers l’histoire, les squats ont toujours joué un rôle de laboratoire sur les plans sociétal, politique et culturel. Ils ont prouvé leur capacité à être un vecteur de résistance, à renforcer le tissu social et enrichir la vie des quartiers.
Recours en annulation à la Cour constitutionnelle
Pour toutes ces raisons, la plateforme d’organisations et de personnes concernées (30 requérants au total) dépose un recours en annulation auprès de la Cour constitutionnelle, afin de faire abroger cette loi.
Face à la crise du logement et aux nombreuses autres crises à caractère socio-économique, le squat est un outil politique et social qui peut permettre d’en limiter les effets ou de s’en affranchir.
Avec l’annulation de cette loi, nous espérons faire reculer la dérive répressive des pratiques citoyennes et mettre un coup d’arrêt à la criminalisation des squats et squatteurs.
Les signataires soutiennent le dépôt du recours
2 De 8 jours à un mois d’emprisonnement (et une amende de 408 à 1000 €) pour avoir pénétré sans autorisation dans le bien ; de 8 jours à 1 an d’emprisonnement (et une amende de 408 à 1.800€) pour ne pas avoir donné suite à l’ordonnance d’évacuation.