Explications du texte

Pas de logements mais des cellules

Le projet de loi anti-squat prévoit de pénaliser non plus la simple effraction, mais l’occupation d’un lieu sans droit ni titre, même s’il est à l’abandon. Et pour ceux et celles qui voudraient une double dose, la loi prévoit aussi la condamnation des squatteur-euses qui ne se plieraient pas à l’ordonnance d’expulsion. Autrement dit, ceux et celles qui n’ont pas les moyens de se loger n’auront plus d’autre perspective que la rue ou la prison ! Précaires, réjouissez-vous : un toit aux frais du contribuable vous attend dans la chaleur réconfortantes des cellules, pour la modique somme de…votre liberté !

Incrimination

Deuxième point de ce projet, le glissement de compétences de la juridiction civile à la juridiction pénale. Pour simplifier, le glissement du jugement des litiges entre propriétaires et squatteurs vers l’incrimination de ces derniers. En un sens, on passe de la négociation à la sanction, avec pour conséquences concrètes l’emprisonnement de populations précaires, doublées d’une portée symbolique non négligeable puisqu’il s’agit de condamner les squatteurs au nom du respect des soi-disant valeurs de notre société… dans laquelle prévaut manifestement le droit à la propriété sur le droit au logement !

Le propriétaire aura donc, si ce projet est validé, le choix de se référer au code civil, donc au juge de paix, ou au code pénal, donc au procureur du Roi. Les possibilités pour déloger les squatteurs s’élargissent donc, et se renforcent, tandis que l’on ne remet quasiment pas en cause les inoccupations des logements laissés à l’abandon, l’augmentation des loyers, les pratiques des propriétaires verreux tels que les marchands de sommeil…

(Plus d’infos sur les compétences des juridictions ici)

Une loi basée sur un fait divers marginal

A l’origine de ce projet abject, un fait divers ayant eu lieu à Gand, monté en épingle par les médias et les pouvoirs politique : une famille de Rroms à qui l’on a loué une maison habitée par un couple parti en voyage pendant deux mois. L’instrumentalisation de cette histoire, plutôt que de dénoncer la manipulation exercée sur cette famille vulnérable, et de mettre les politiques face à leur responsabilités concernant une crise du logement qui n’a pas lieu d’être, victimise les propriétaires et diabolise la pratique du squat en général. Une manière d’apporter de l’eau au moulin de la gentrification et de la criminalisation de la précarité. Alors que l’occupation d’un lieu habité est un cas très rare, on occulte un phénomène bien plus largement répandu : l’impossibilité de se loger dans un contexte où les loyers sont de plus en plus élevés alors même que le nombre de logements vides dépasse le nombre de SDF !

Pour aller plus loin : https://piratonsbxl.noblogs.org/post/2017/03/14/instrumentalisation-mediatique-et-loi-anti-squat/

Faciliter la répression
Dans le rapport de la commission de justice (25 juillet 2017), au milieu de discours réactionnaires et inégalitaires assumés sans état d’âme, les richocrates s’indignent que les squatteur-euses puissent utiliser la violation de domicile comme défense contre les interventions policières. Cette ultime et mince barrière contre la répression pourrait faire l’objet d’amendements restrictifs, privant les squatteur-euses d’une de leurs dernières défenses face aux forces de l’ordre, les laissant à la merci de leurs opérations injustes et violentes.
En plus de cette menace d’intrusion des forces de l’ordre dans les squats sans aucun mandat de perquisition, qui s’accompagnerait d’arrestations et de saisies, il est question de dispositifs de surveillance injustifiables, à savoir « le repérage, l’écoute téléphonique, l’ouverture du courrier intercepté »
Manipulation des termes

Outre l’absurdité de ce projet – enfermer ceux qui n’ont pas de logement, accélérer et faciliter des procédures concernant des bâtiments inoccupés depuis longtemps et probablement encore pour longtemps, favoriser le droit à la propriété plutôt que le droit au logement – on peut noter une subtile utilisation des termes, et notamment que « l’expulsion » devient « l’évacuation ». Exemples de savante chimie langagière ici.